10e - 11e - 12 étapes : de Yellowstone (WY) à Seattle (WA)
- Pierre Nussbaumer

- 1 oct. 2022
- 6 min de lecture

Après une nuit passée dans ce merveilleux hôtel qu’est le Old Faithful Inn, contrairement à l’habitude, nous ne partons pas tôt, l’étape jusqu’à Jackson Hole est courte : cent quarante kilomètres, un peu plus de deux heures en traversant le Grand Teton National Park. Nous arrivons à l’hôtel, très civilisé celui-là, à l’heure du déjeuner.
Comme pour se faire pardonner, Yellowstone et l’Old Faithful nous offrent un magnifique spectacle en partant. La lumière…


À Jackson Hole, ce fut d’ailleurs encore un déjeuner à surprise ! Toujours selon le même principe, je choisis ce qui est censé être le meilleur restaurant italien de Jackson Hole. Nous entrons, tout semble parfait et nous voulons commander à boire et à manger. Et là, surprise, notre serveur est polonais, ne parle que mal l’anglais. Je regarde un peu mieux la carte et vois qu’il y a des spécialités polonaises dont les pierogis, genre de raviolis polonais farcis avec soit de la choucroute, soit des pommes de terre. Je ne résiste pas et, sous le regard horrifié de Pierre, j’en commande deux. Ils furent fort bons. Le reste de la carte ne suscitait aucun commentaire.
Après le repas, nous partons visiter Grand Teton National Park. Comme pour Yellowstone, je suis déjà venu à Grand Teton en 2016 et nous avons eu tellement de chance à l’époque avec le temps (les couleurs des arbres, la lumière) que je vais utiliser quelques photos faites à l’époque : cela montrera combien la lumière joue un rôle dans la photo.






En revenant de notre périple, Pierre veut aller boire une bière à Jackson Hole et moi, je veux suivre une fois encore les traces de Douglas Kennedy qui, dans un de ses articles, parle d’un fabricant artisanal d’armes à Freedom (cela ne s’invente pas). Si Kennedy a fait la route jusqu’à Freedom en hiver, j’ai eu la chance de la faire en automne. Sur les cent kilomètres du trajet, cinquante sont absolument splendides lors de la descente vers Alpine (WY), à la frontière de l’Idaho, le long de la Snake River. Quant au fabricant d’armes, je n’en garderai comme souvenir que la casquette que j’ai achetée. Encore un coin de l'Amérique profonde.


Nous approchons du premier but de mon voyage : Seattle qui se trouve encore à près de mille quatre cents kilomètres de Jackson Hole, impossible à faire en une étape. Nous partons donc le mercredi 28 septembre de bonne heure pour une étape que nous avions prévue de huit cent huit kilomètres jusqu’à Baker City dans l’Oregon, après avoir traversé tout l’Idaho.

Je ne passerai pas mes vacances en Idaho…
La route étant longue, je fais découvrir à Pierre les Subway, ces usines à sandwichs que l’on trouve partout aux États-Unis et que j’ai découvertes avec Charlotte. Pierre n’est pas convaincu, mais c’est moins malsain et plus rapide qu’un MacDo… Ainsi va la vie d’un nomade…
À Baker City, j’avais réservé un hôtel, le Geiser Grand, fondé au début du vingtième siècle par Monsieur Geiser, un Suisse allemand. Quand nous sommes arrivés devant l’hôtel, je me suis trouvé face à mon troisième hôtel pourri : un truc vieillot (les chambres sont des « Parlour Suites ») dans lequel il est quasiment impossible d’entrer à cause de travaux juste devant la porte… Pierre, plus curieux que moi, part en éclaireur et revient un peu dépité. Et comme il est tôt, trois heures et demie, nous avons gagné une heure en entrant en Oregon, cela aurait voulu dire que nous aurions dû passer plusieurs heures dans une chambre avec le bruit insupportable des travaux dans une ville où il n’y manifestement rien à faire ou à visiter. Nous décidons de continuer et, après des recherches d’hôtel, nous décidons d’aller jusqu’à Kennewick, dans l’État de Washington, soit deux cent cinquante-huit kilomètres (ou deux heures et demie plus loin).
Un mot sur les changements d’heure : le bon sens voudrait que le changement d’heure se fasse dans le cadre d’un État, par exemple entre le Dakota du Nord et le Montana. Eh bien, non : le changement se fait ce qui me semble être n’importe où, indépendamment des frontières des Etats. Surprenant.
Finalement, notre étape fut longue de mille soixante-quatre kilomètres et plus de dix heures. Heureusement, nous fûmes deux à conduire.
Il y a peu à dire sur notre soirée, si ce n’est que nous avons dîné sur les bords de la rivière Columbia, dans un restaurant vide où on a voulu nous placer à une table au fond du restaurant, alors qu’il y avait des tables au bord de la fenêtre, avec vue sur la rivière. Allez comprendre…
L’avantage d’une étape aussi longue est bien sûr que celle du lendemain, Kennwick – Seattle, fut courte : trois cent soixante kilomètres et trois heures trente. Quasiment rien !

Je dois dire que le paysage du nord-ouest de l’Oregon et du nord-est de Washington m’a beaucoup surpris par son aridité : s’il n’y avait pas plus de collines, cela n’eût pas été très différent du Dakota du Nord ou de l’Idaho. Il a fallu attendre d’avoir passé le col de Snoqualmie, à soixante kilomètres de Seattle, pour voir le paysage verdir. Avant, le long de la rivière Yakima, il y a une bande verte irriguée où l’on trouve des arbres fruitiers et de la vigne.
Dans les derniers kilomètres avant Seattle, sur l’Interstate 90, la plus longue des États-Unis, elle va de Boston à Seattle sur quatre mille huit cent soixante-deux kilomètres, un sentiment étrange m’a pris : traverser un continent pour arriver sur le Pacifique représente plus que je ne le pensais. Et je ne peux m’empêcher de penser à ce que devait être la traversée au dix-neuvième siècle, avant le chemin de fer.
C’est le moment de faire un peu d’histoire. Les années 1840 ont été aux États-Unis des années d’annexions territoriales importantes. On a déjà parlé de l’entrée du Texas dans l’Union en 1845. Je rappelle que le Texas est le seul pays indépendant qui soit entré dans l’Union en tant que tel, ce qui lui donne le privilège, prévu dans le traité d’entrée dans l’Union, de quitter unilatéralement celle-ci, s’il en exprime le souhait.
L’année suivante les États-Unis acquièrent de l’Angleterre le territoire de l’Oregon administré conjointement depuis 1818. La grande poussée vers l’ouest des années 1840 est passée par ce qu’on appelle l’Oregon Trail qui partait du Missouri, traversait les plaines, rejoignait la Snake River, puis la Columbia River pour finalement atteindre la vallée de Willamette. Cette migration changea complètement le peuplement du territoire de l’Oregon : vers 1845, il y avait sur le territoire environ sept cent cinquante Anglais et plus de cinq mille Américains. Ceux-ci veulent mettre ces territoires en valeur et ils doivent donc leur appartenir.
C’est ainsi que les États-Unis acquirent le territoire de l’Oregon en 1846 qui en fait regroupait les États de l’Idaho, de l’Oregon et de Washington. L’Oregon rejoignait l’Union en 1859 comme trente-troisième État, Washington en 1889 comme quarante-deuxième État et l’Idaho en 1890, comme quarante-troisième État.
Revenons à Seattle de nos jours : cette ville fait partie de ces villes de la côte ouest, très progressiste dans un État très progressiste (le Gouverneur et les deux sénatrices sont démocrates), tout comme Portland ou San Francisco. C’est une des villes américaines avec une des plus grande communauté gay, lesbienne et transgenre. C’est aussi le siège de Microsoft, d’Amazon et de Starbucks, entre autres. Ce fut aussi le siège de Boeing avant que les financiers qui ont pris le pouvoir dans la compagnie (avec le « succès » de 737 Max) déplacent d’abord le siège à Chicago, ville plus intéressante comme ville active dans la finance, puis après les déboires des avions civils (737 Max et 787), à Arlington en Virginie, à deux pas du Pentagone, montrant ainsi l’importance de plus en plus grande de la partie militaire de Boeing, au détriment du civil.
Seattle est une belle ville située sur le Puget Sound, avec de l’eau partout, et quelques monuments iconiques : il y a entre autres la seule statue de Lénine de tous les États-Unis. Lénine a quand même la main sanglante ! Une fois encore, je me permets d’utiliser les photos faites en 2016 pour vous faire découvrir la ville. Il faut également mentionner le Space Needle.


Petite anecdote : ce matin, près de Farmer’s Market, il y avait une queue de plus de trente mètres pour entrer dans le premier Starbucks (1971). No comment.
Et encore quelques photos pour vous permettre de mieux saisir ce qu'est Seattle.


Ou encore le fameux Farmer's Market.




Hier, jeudi 29 septembre, Michèle m’a rejoint pour une dizaine de jours et aujourd’hui, vendredi 30 septembre, Pierre Palley me quitte : merci à lui de m’avoir accompagné sur cette longue route de Chicago à Seattle.
À la fin de cette première traversée, j’aimerais faire une petite récapitulation des miles / kilomètres parcourus :
Miles Km
Washington (DC) – Gettysburg (PA) – Pittsburg (PA) 271 434
Pittsburg (PA) – Detroit (MI) 288 461
Detroit (MI) – Mackinaw City (MI) 289 463
Mackinaw City (MI) – Chicago (IL) 416 666
Chicago (IL) – New Glarus (WI) – Minneapolis (MN) 429 687
Mineapolis (MN) – Dickinson (ND) 538 862
Dickinson (ND) – Cody (WY) 423 678
Cody (WY) – Old Faithful Inn Yellowstone (WY) 117 187
Old Faithful Inn Yellowstone (WY) – Jackson Hole (WY) 84 135
Jackson Hole (WY) – Freedom (WY – Jackson Hole (WY) 120 192
Jackson Hole (WY) – Kennewick (WA) 666 1’067
Kennewick (WA) – Seattle (WA) 225 360
Total : 3’866 6’193
J’ai essayé de représenter sur une carte ce que représente six mille cent quatre-vingt-dix kilomètres sur une carte d’Europe et d’Asie : cela nous amène depuis Genève jusqu’à Bratsk (Russie), ville située dans l’oblast d’Irkoutsk, sur la rivière Angara. Les curieux, en allant sur une carte, se rendront compte des distances. Et j’ai probablement encore plus de neuf mille kilomètres à parcourir.
C’est grand, l’Amérique !
PN/30.09.2022



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