De la 34e à la 37e étape ou d'Atlanta (GA) à Miami (FL)
- Pierre Nussbaumer
- 14 nov. 2022
- 11 min de lecture

Vendredi 4 novembre 2022
Atlanta (GA) – Wilmington (NC)
678 km – 6h20
Atlanta et le Four Seasons ont tenu leur promesse : exactement ce dont j’avais besoin. Le souvenir de mon dernier passage au Four Seasons d’Atlanta est revenu à ma mémoire. C’était le 12 mars 2014, nous venions d’arriver d’Europe et avions décidé de dîner à l’hôtel. Quand nous arrivons au restaurant, nous nous asseyons et, à ma grande surprise, je vois sur le rebord de la fenêtre toute une série de bouteilles de vin dont je reconnais immédiatement les étiquettes, celles du Domaine de la Romanée-Conti. Curieux, je me lève et vais regarder les bouteilles : impressionnant ! Je me rends compte que ces bouteilles sont destinées pour une grande table, une dizaine de personnes, tous des hommes, avec manifestement le Boss assis au bout de la table.
Je m’approche et le félicite pour les vins exceptionnels qu’ils vont boire. Il m’explique qu’ils sont membres d’un club d’amateurs de (grands) vins et qu’ils se sont réunis ce soir pour se faire plaisir. Après quelques minutes de bavardage, je retourne, envieux, à ma table. Et quelle ne fut pas ma surprise lorsque nous avons reçu un verre de toutes les bouteilles qu’ils ont ouvertes. Cela a bien sûr nettement amélioré notre repas. Un moment exceptionnel.
Mais rien de tout cela, ce soir-là. J’ai bu mon verre de pinot noir américain (Willamette Valley).
Le lendemain, après une valse-hésitation sur la destination de mon étape suivante, cela sent la fatigue de la fin du voyage…, je décide de partir pour Wilmington en Caroline du Nord, ville que j’ai déjà visitée en 2011 avec Charlotte et que j’avais bien aimée. Charlotte avait insisté pour aller sur le lieu du tournage d’une de ses séries favorites de l’époque « One Tree Hill ». Cette série a d’ailleurs été pour Wilmington le départ d’une nouvelle activité : le tournage de films et de séries.
Je pars donc vers Wilmington, une route sans histoire jusqu’au moment où je veux prendre de l’essence, environ à environ deux cent cinquante kilomètres d’Atlanta : je décide d’aller manger mon sandwich au Subway de Florence (SC) et lorsque je veux fermer la voiture, je cherche la clé de la voiture et ne la trouve pas ! Je fais cinq fois le tour de toutes mes poches, en vain. Et, là, je réalise que le voiturier du Four Seasons d’Atlanta a oublié de me rendre la clé ! Heureusement, j’avais le double de la clé dans mon sac… J’imagine, sans ce double, ce qui se serait passé : je ne pouvais pas redémarrer la voiture et j’aurais dû attendre que quelqu’un du Four Seasons m’apporte la clé. Et le Subway de Florence n’était de loin pas celui où j’aurai voulu attendre deux-trois heures.
Je repars et cette fois arrive sans encombre à Wilmington. J’ai découvert une ville que je n’avais pas connue à l’époque : charmante, comme le Bed & Breakfast dans lequel je suis descendu. Il y a le long de la Cape Fear River un « walkboard » sur lequel il est extrêmement agréable de se promener. En plus, en cette fin d’après-midi, la lumière était très belle !



Et, en allant boire une bière, je tombe sur une fête de mariage, fête qui avait l’air fort joyeuse !

Les maisons de Wilmington sont dans le plus pur style colonial et, je dois dire, parfaitement entretenues.



Samedi 5 novembre 2022
Wilmington (NC) – Charleston (SC)
282 km – 3h45
Finalement, encore une étape de transition, qui me rapproche de mon but final, Miami. Cette étape n’est pas très longue et elle passe par un lieu de villégiature célèbre, Myrtile Beach, en Caroline du Sud. Je vous rassure, ce n’est ni Saint-Tropez ni Ibiza : ce sont essentiellement de grands immeubles qui bordent l’océan Atlantique sur une dizaine de kilomètres.
Ce qui est très beau dans cette étape ce sont les forêts traversées avant d’arriver à Charleston : on est vraiment dans le sud profond, celui d’Autant en emporte le vent, j’avais beaucoup aimé à l’époque, sentiment retrouvé cette fois.
J’ai décidé de rester deux jours à Charleston, ville que je visite pour la deuxième fois avec autant de plaisir. J’espérais pouvoir rencontrer un ancien Roséen qui habite Charleston et qui adore sa ville : malheureusement, il était en Floride, ce qui n’a pas empêché qu’il me dise où aller manger des huîtres !

Charleston est aussi la ville où a débuté la Guerre de Sécession, le 12 avril 1861
L’US Army maintenait une garnison sur l’île de Sullivan, à Fort Multrie, au nord de Charleston. Le 20 décembre 1860, la Caroline fut le premier état à se déclarer en sécession de l’Union et ses autorités demandèrent à l’US Army de quitter le Charleston Harbour. Face à cette situation, le Major Robert Anderson de l’US Army, commandant de Fort Multrie, déplaça sa garnison en catimini le 26 décembre 1860 de Fort Multrie, peu défendable, vers Fort Sumter, fort qui se trouve sur un îlot à l’entrée du port de Charleston et qui est beaucoup plus facile à défendre.

L’hiver 1860-1861 vit sept états esclavagistes créer le 8 février 1861 la Confederate States of America, ces sept états étant la Caroline du Sud, le Mississippi, la Floride, l’Alabama, la Géorgie, la Louisiane et le Texas. Ces sept états furent ensuite rejoints par la Virginie (17 avril 1961), l’Arkansas (6 mai 1861), le Tennessee (7 mai 1861) et la Caroline du Nord (20 mai 1861).
Dans ce contexte, la situation autour de Fort Sumter changea et ressembla de plus en plus à un siège que le Président James Buchanan tenta mollement de faire ravitailler. En mars 1861, le Brigadier General Beauregard, le premier général de la « Confederate States Army » prit le commandement des forces encerclant Fort Sumter et augmenta la pression sur le fort par des bombardements intenses.
Dès son arrivée à la Présidence, le 4 mars 1861, Lincoln fut confronté au problème du ravitaillement de Fort Sumter. Il informa le Gouverneur de Caroline du Sud, Francis W, Pickens, qu’il allait envoyer des navires de ravitaillement et, en réponse, le Gouverneur lança un ultimatum à la garnison de Fort Sumter, ultimatum que le Major Anderson rejeta. Le 12 avril 1861, à 4h30, les Confédérés commencent à bombarder Fort Sumter depuis les batteries entourant le port de Charleston. Dépassé par la puissance de feu confédérée, le Major Anderson se rendit trente-quatre heures plus tard. La Guerre de Sécession avait commencé. Ironie, durant ce premier affrontement, il n'y eut aucun mort, ni d’un côté ni de l’autre. Quand on sait que cette guerre fit plus de six cent mille morts, on ne peut qu’être étonné.
Il est impressionnant de savoir que dans le Sud, certaines personnes font référence au « good old times », l’époque d’avant la Guerre de Sécession, celle où l’esclavage faisait partie de la vie de tous les jours. On trouve toujours des drapeaux confédérés dans ces régions.

Le propriétaire du pick-up sur lequel est fixé le drapeau confédéré est un vrai sudiste : il se dit historien, participe à des reconstitutions de batailles de la Guerre de Sécession (celles que la Confédération a gagnées, bien entendu), ne parle pas avec les gens qui ne sont pas des adeptes inconditionnels du Général Lee, regarde avec un mépris souverain les Yankees ! Un autre monde.
J’ai fait le tour du port en bateau, c’est depuis le bateau que j’ai pris la photo de Fort Sumter. Mon batelier m’a recommandé d’aller voir Sullivan Island et ses plages. J’ai toujours eu un faible pour l’océan Atlantique, aussi bien depuis ses rivages européens qu’américains : il y a une lumière différente, jamais aussi chatoyante que celle de la Méditerranée, mais une lumière douce, douceur qui vient des embruns omniprésents. Pour moi, l’Atlantique symbolise la vie. J’ai retrouvé ce que j’aime en me promenant sur les plages de Sullivan Island, le même océan que celui qui baigne Southampton

ou les Outer Banks.

Je me rappelle l’avoir aussi trouvé, il y a de très nombreuses années, sur les plages de Punta del Este en Uruguay ou, plus récemment en Namibie.

ou, encore, à Hyannis Port, dans le Massachusetts.

Et la Baule ne dément pas mon attirance pour l’Atlantique !

Fermons cette page « nostalgie » et revenons à Sullivan Island en 2022 !



Mais Sullivan Island n’est pas uniquement la plage, il y a aussi tout un quartier « middle class » avec les typiques maisons associées à ce genre de quartier avec, en plus, des restes d’Halloween.



Lundi 7 novembre 2022
Charleston (SC) – Palm Beach (FL)
889 km – 8h40
Une longue étape, une très longue étape, la deuxième plus longue après Jackson Hole (WY) – Kennewick (WA). En fait, mon programme était de passer par Hilton Head Island, ce que j’ai fait, et de m’arrêter une nuit à Savannah pour continuer le lendemain jusqu’à Coral Beach d’où je devais aller visiter Cap Canaveral (Kennedy Space Center). La vie étant finalement bien faite, après avoir décidé de sauter l’étape Cocoa Beach, j’ai reçu un SMS le lendemain m’informant que ma visite du centre spatial était annulée… Comme quoi, j’ai bien fait de continuer jusqu’à Palm Beach !
Mais surtout, en route, j’ai été pris d’un coup de blues et j’ai voulu mettre un terme à ma course incessante, une nuit par-ci, une nuit par là. Défaire et faire mes valises tous les jours, ou tous les deux jours, changer de lit continuellement, finit par fatiguer. J’avais besoin de souffler. Aussi, ai-je décidé de poursuivre ma route jusqu’à Palm Beach. Là, j’étais presque arrivé, je savais que je trouverais un bon hôtel et que ma dernière étape ne serait plus que d’une centaine de kilomètres. Vraiment, la porte d’à côté.
Je savais aussi que descendre la côte Est de la Floride serait une punition : c’est plat, il n’y a rien à voir, la végétation est moche, en fait la pire partie de tout mon trajet.
Tout au nord de la Floride, je traverse Jacksonville, ville qui me semble très grande et bien sûr, je me renseigne. À ma grande surprise, j’apprends que c’était la plus grande ville de Floride, avec neuf cent cinquante mille habitants (la douzième ville des États-Unis), mais aussi la deuxième plus grande ville des États unis continentaux par sa superficie, après Tribune dans le Kansas (…). C’est également une base militaire importante (quand est-ce que je finirai de croiser mon chemin avec des bases militaires… ?).
La deuxième ville de Floride est bien sûr Miami, avec plus de six cent mille habitants et, surtout, l’agglomération de Miami est de loin la plus grande de l’État avec six millions et demi d’habitants.
J’arrive finalement, de nuit pour la première fois, à Palm Beach et descends au Brazilian Court qui a trois avantages : d’abord, il y a de la place alors que mes deux premiers choix, le Breakers et le Four Seasons affichent complet, ensuite, il est au centre de Palm Beach, ce qui me permet de me promener à pied (Worth Avenue, pour les connaisseurs, est à deux pas) ; et finalement, il y a un restaurant français, ce qui, après tout ce périple, compte !
La seule chose que j’avais à faire à Palm Baech, c’était de passer au Four Seasons récupérer la clé que le voiturier du Four Seasons Atlanta avait oublié de me donner : ce n’est pas excessif.
Chaque fois que je viens à Palm Beach, je suis frappé par trois choses : la première, c’est la propreté de la ville, je ne connais pas une autre ville des États-Unis qui soit si propre et ordrée ; il faut dire qu’il y a des voitures de police à tous les carrefours et que l’argent ne manque pas. La deuxième chose, c’est la grandeur et la beauté des maisons : je connais peu d’endroits où les maisons soient si belles. Et la troisième raison et celle qui me fait le plus plaisir : j’ai l’impression d’être un gamin, tant la moyenne d’âge de la population est élevée.
Je reste au Brazilian Court deux nuits, espérant dormir le matin. Erreur, le deuxième jour, à 7h00, le téléphone sonne dans ma chambre : c’est la réception qui m’informe que j’ai trente minutes pour quitter l’hôtel ! Celui-ci ferme à cause de l’arrivée de l’ouragan Nicole (un tout petit ouragan de catégorie 1…). J’apprends aussi que Palm Beach risque de lever les ponts, interdisant ainsi tout entrée ou sortie depuis l’île. J’ai préféré fuir vers Miami qui ne se trouvait pas dans le cône de l’ouragan !

Mercredi 9 novembre 2022
Palm Beach (FL) – Surfside (FL)
117 km – 1h40
C’est ainsi que je suis arrivé au bout de mon périple d’une manière inattendue à 9h30 au Four Seasons at The Surf Club, à Surfside !
Mon voyage est terminé et j’ai devant moi dix jours à passer à Miami, dix jours que je vais utiliser pour me reposer, visiter Miami, rendre visite à des amis à Fort Lauderdale, aller pour la première fois aux Everglades, regarder l’océan, bref prendre mon temps.
J’aime Miami parce que ce n’est pas une ville anglo-saxonne, puritaine, « me too », mais une ville latine dont la population est à soixante-douze pour cent hispaniques : cela change tout !
Nous sommes allés dans un bar-restaurant – Mila – qui se trouve à Miami Beach et, là, nous avons l’impression d’être revenus dans un monde normal, où les hommes jouent leur rôle d’homme et les femmes celui de femme, habillées de manière sexy voir provocante, qui ne se vexent pas si elles se font draguer ! Un retour en arrière de plus de dix ans. Et je dois dire que les hommes et les femmes étaient beaux ! Par contre, nous devions dîner sur place, avec une réservation à 20h15. Bien sûr, la table n’est pas prête et nous sommes priés d’attendre au bar (ce qui fut loin d’être désagréable…) et que je recevrai un SMS nous informant que notre table est prête.
Nous devions être trop vieux, j’attends toujours le SMS… Nous avons dîné ailleurs.
Il y a un quartier de Miami que je ne connaissais pas : Little Havana. Pour mémoire, la communauté cubaine est la plus importante du Grand Miami et contrôle aussi bien la politique que les affaires. L’argent qu’ils envoient régulièrement à Cuba permet au pays de survivre.
Arrivé dans le quartier, plus personne ne parle l’anglais : on n’entend que l’espagnol et le décor donne également l’impression de se trouver (presque) à Cuba !



Nous sommes rentrés dans ce bistro pour prendre un café : il fut délicieux et pour cause : le café est torréfié sur place dans la machine que vous voyez. Et, une fois torréfié, il est fraîchement moulu avant d’être utilisé. Cela n’a rien à voir avec un Nespresso !


Ces messieurs, accompagnés de quelques femmes, tous Cubains, jouent aux dominos ! Et le parc, tout petit, dans lequel ils jouent s’appelle Domino Park. Les parties sont animées, joyeuses, et les enjeux peu importants. C’est manifestement un sport pour retraités.

À Little Havana, même le MacDo standard prend des couleurs locales : c’est le premier MacDo que je vois de tout mon périple qui n’a pas les couleurs « MacDo » standardes.


La photo de la seconde voiture a été prise en mars 2011 à La Havane ! Plus cela change, plus c’est la même chose.
Et la rue continue de réserver des surprises...




Après cet intermède cubain, je repars déjeuner vers Miami Beach, sur la plage. C’est le lendemain du passage de l’ouragan Nicole dont la pluie et le vent, même s’il n’a pas soufflé avec une grande violence sur Miami, ont dégagé le ciel et laissé quelques inondations. Se promener sur la plage de Miami Beach m’a permis une fois de plus d’apprécier « mon » océan Atlantique sous un jour un peu moins gris !



J’ai toujours considéré que Miami serait la fin de mon voyage et j’y suis arrivé. Néanmoins, j’ai encore une semaine à passer dans la région avant de m’envoler pour Saint-Barth le samedi 19 novembre et il se peut que je fasse quelques visites dans la région. Je pensais un moment descendre à Key West, mais la perspective de faire quatre heures de route à l’aller et quatre heures au retour m’a quelque peu refroidi. Je n'irai probablement pas si loin.
Ce post est donc mon dernier racontant mon parcours. Cela ne sera cependant pas mon dernier : je prévois de faire un dernier post, probablement sans photos, où je vous livrerai mes émotions, mes regrets, mes enthousiasmes, ce sera un post plus personnel.
Il me faudra un peu de temps avant de l’écrire, le temps que tout se décante, que je puisse regarder les choses avec plus de recul.
En attendant, je vous remercie de m’avoir suivi pendant ces deux mois qui furent pour moi une expérience inoubliable et unique
Miami, le 13 novembre 2022
Pierre
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