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18e, 19e, 20e et 21e étapes : Los Angeles - Las Vegas - Sedona - Gallup Santa Fe

  • Photo du rédacteur: Pierre Nussbaumer
    Pierre Nussbaumer
  • 16 oct. 2022
  • 11 min de lecture

543 km – 5h30


Mercredi 12 octobre 2022


Après six jours passés à Los Angeles à faire du R&R (rescue and recovery), où nous avons essayé de faire autre chose que de manger, boire et dormir, avoir récupéré mon nouveau coéquipier, Edmond, et pris congé de Michèle, il est temps de reprendre la route !


Comme je viens de le dire, nous avons essayé d’être un peu cultivés à LA ! pour cela, j’avais organisé, après une rencontre avec Gustavo Dudamel à Paris, un concert au fameux Walt Disney Concert Hall dessiné par Franck Gehry. Si vous voulez voir des photos, allez sur le lien suivant :



Bref, par l’intermédiaire de l’Opéra de Paris, j’obtiens deux places, on m’avait garanti les meilleures, et la promesse qu’à la fin du concert quelqu’un viendrait nous chercher pour nous amener dans la loge du Maestro. Le concert se passe, Altar de cuerda de Gabriela Ortiz (1964 - ?) joué par une toute jeune violoniste, Maria Dueñas, et la 1re Symphonie de Mahler, la Titan. Quand j’arrive à nos places, je suis un peu surpris, il ne me semble pas que ce soient les meilleures. La scène est entourée de gradins sur les quatre côtés et nous sommes sur le côté droit, surplombant l’orchestre. Petite note pour les puristes (je rappelle que je n’en suis pas un) : les contrebasses (dix pour Mahler, quand on sait que Karajan en voulait huit pour le 5e de Beethoven…) se trouvent sur la droite. J’ai l’habitude de les voir à gauche de l’orchestre.


L’avantage des places que nous avons eues fut de nous permettre de voir tous les instruments et, surtout, repérer le moment précis de leur intervention : passionnant. Cependant, l’acoustique était décevante, avec des réverbérations dérangeantes.


À la fin du concert, applaudissement, bis, encore des applaudissements et la foule commence à sortir. Je ne vois personne venir nous chercher et nous partons, déçus, sans voir le Maestro.


Le lendemain matin, message de mon contact à Paris « vous n’êtes pas allés au concert, Margie ne vous a pas trouvé » ! La réponse : quand j’ai été cherché les places au box-office, l’employé, qui n’a probablement pas compris mon nom et était trop fier (ou trop paresseux pour redemander) a pris les deux premières places qu’il trouvait et nous les a données !


Le concert fut beau et, pour ceux qui ne connaissent pas Altar de cuerda d’Ortiz, je leur conseille de l’écouter.


Voilà pour la partie musicale. Il fallait encore nourrir nos yeux. J’apprends qu’il y a au Getty Museum une exposition sur Cy Twombly et nous décidons, à trois, d’y aller. Je dois dire que nous avons été déçus ! Ce qu’il y avait de mieux dans notre visite est l’ensemble des bâtiments dus à l’architecte Richard Meier. Ces quelques photos illustreront mes propos.






Mais reprenons la route. Tout le monde connaît le trafic de Los Angeles et, pour aller à Las Vegas, il faut traverser une grande partie de l’agglomération sur près de cent kilomètres, ce qui peut vraiment prendre du temps, aussi décidons-nous de partir à six heures du matin : ce fut efficace, en cinquante minutes, nous étions sur l’Interstate 15, en direction de Barstow où nous décidons de prendre de l’essence et notre petit-déjeuner (chez Denny’s qui, je l’ai appris par la suite, est le pire endroit des États-Unis…).




Nous continuons jusqu’à Baker (CA) et, dès que nous sortons de l’Interstate, les découvertes commencent !







Les « petites » routes que nous prenons pour rejoindre Las Vegas sont désertes, droites et traversent des paysages insolites. Notre trajet fut rallongé d’une bonne heure, mais chaque minute valut la peine !



Nous arrivons à Las Vegas, nous installons au Wynn et, le soir, j’avais réservé chez Guy Savoy. Nous arrivons de bonne heure, discutons de tout et de rien avec Alain, le Directeur (français) du restaurant et, quand nous lui demandons comment vont les affaires, il nous dit sa satisfaction, certes les Russes manquent à l’appel (…), les Chinois de même, mais les Américains sont de retour et dépensent davantage qu’avant. Comme exemple, il nous montre la table d’à côté où le couvert n’est dressé que pour une personne, pour un client qui vient deux fois par semaine manger seul et ne boit que de grandes bouteilles. Bref, le client parfait et, quand celui-ci, un Français vivant à Las Vegas, arrive, nous comprenons ! Il s’assoit, tout le personnel est aux petits soins pour lui, lui fait des courbettes et des compliments. À un certain moment, le sommelier amène deux très vieilles bouteilles. Je tends évidemment l’oreille et comprends qu’une des bouteilles aurait un lien avec Thomas Jefferson (mort, je vous le rappelle le 4 juillet 1826), grand amateur de vin qui, lorsqu’il était Ambassadeur des États-Unis en France, fit le tour de toutes les grandes régions viticoles de France.


Bien sûr, je me lève et demande si cette bouteille a vraiment appartenu à Jefferson. D’après les restes de l’étiquette, ce n’est finalement pas très clair. Il reste la deuxième bouteille qui disparait pour revenir ouverte (il a fallu couper au-dessous du bouchon pour ne pas gâter le vin). Vous savez que je suis curieux en matière de vin et bien sûr je mets mon grain de sel et, finalement, un verre nous est offert. Pour ceux qui connaissent, cela ressemble à l’Essentia de Tokaj en un peu moins doux. Étonnant.


De fil en aiguille, nous parlons au monsieur dont une description me semble nécessaire : il est grand, entre un mètre soixante-dix et un mètre quatre-vingts, de longs cheveux blonds entourant un visage marqué par un nez important. Des mains fines et soignées. La manière dont il est habillé ne le rend pas inaperçu : d’abord, il arrive avec un chapeau de paille à large bord, qui se trouve venir de Lock Hatters, Saint-James Street à Londres, tissé d’une paille très fine (chapeau dont il ne manquera pas de nous dire qu’il a couté plus de huit mille dollars…), il porte des pantalons blancs cassants sur des chaussures en croco marron, une veste en soie dans les orange, jaune et marron, cachant une chemise de couleur assortie dont il relève le col, laissant voir une cravate dans les mêmes tons. Il lui est impossible de passer inaperçu et c’est évidemment ce qu’il désire. Un tel individu ne peut que susciter notre curiosité et, finalement, nous nous assoyons à sa table pour partager un verre de vin et comme il ne boit que des vins de Leroy, nous nous sommes joints à lui avec un grand plaisir.


La soirée fut intéressante : nous avons appris qu’il avait soixante et un ans, qu’il était très riche et très doué dans son métier, l’informatique, qu’il n’avait pas d’enfant (il ne voulait pas « s’encombrer » de telles choses), qu’il avait été marié deux fois, son premier mariage n’ayant pas duré, sa femme, japonaise, ne supportait pas de devoir être sa princesse sept jours sur sept, elle était d’accord pour cinq jours, ce qui ne convenait pas, aussi ont-ils divorcé. Il a ensuite épousé une Russe, autre « trophy woman » dont il est très fier. Nous avons aussi appris qu’il n’invitait personne dans sa maison de Los Angeles, sauf des experts en art du XVIIIe, car sa maison est un musée de cette époque, qu’il avait trois avions, dont un Boeing BBJ (un Boeing 737 transformé en jet privé), sa femme trouvant qu’il fallait au moins trois WC, un pour le cockpit, un pour l’équipage de cabine et un pour le couple. Finalement, nous apprenons aussi qu’il a commandé un bateau en Allemagne, bateau qui sera le trente-sixième plus grand bateau du monde. Ce n’est pas de sa faute : il aime une certaine hauteur de plafond et la loi des proportions oblige d’avoir dès lors une certaine largeur et une certaine longueur de coque… Problème existentiel.


Nous avons fini tard, un peu éméchés, mais quelle soirée !


457 km – 4h55


Jeudi 13 octobre 2022


Le matin, nous partons vers neuf heures, pas très frais. La route n’est pas trop longue et, forts de notre expérience de la veille, nous décidons de quitter l’Interstate à Seligman pour prendre la fameuse et mythique Route 66. Et, comme pratiquement toujours, dès qu’on laisse l’Interstate ou le freeway, on tombe dans l’Amérique (plus ou moins) profonde. Seligman en est une confirmation de plus :







Nous avons aussi voulu trouver un endroit pour manger, finalement décidons qu’un peu de jeûne nous ferait le plus grand bien et nous repartons sur la Route 66. Cela n’a en fait pas duré très longtemps, le GPS nous ayant rapidement emmené vers de chemins de terre que je n’avais aucune envie de suivre et je suis retourné rapidement sur l’Interstate jusqu’à Flagstaff. Là, nous sortons pour prendre une « State highway » qui nous conduit à Sedona. Il est difficile de décrire et de photographier les paysages, mais sachez que c’est superbe. La photo pas terrible qui suit vous donnera néanmoins une idée.



Nous n’avons pas fait la fête jusqu’à plus d’heures et avons profité de notre soirée pour nous reposer.


J’aimerais dire un mot sur l’altitude des régions que nous traversons. Flagstaff se trouve à deux mille cent mètres, Sedona est « en plaine » à mille trois cent trente mètres et, dans les jours qui suivent, nous allons continuellement être au-dessus de deux mille mètres, Santa Fe se trouvant à deux mille cent quatre-vingt-quinze mètres.


612 km – 6h30


Vendredi 14 octobre 2022


Nous quittons Sedona de bonne heure, repartons vers Flagstaff (vingt minutes d’attente pour des travaux sur la route) et prenons la direction de Kayenta, où nous pensions dormir, et visiter Monument Valley. Sur la route, nous voyons un panneau nous indiquant les plus grandes traces de dinosaures au monde. Curieux, nous nous arrêtons au milieu de nulle part et réalisons que nous sommes en territoire Navajo.





Si l’idée de dormir à Kayenta était bonne, la réalisation le fut moins. Nous arrivons à Kayenta vers treize heures, nous rendons à « l’hôtel » et voulons faire le check-in. Il y avait bien une femme à la réception, dans l’obscurité quasiment totale, qui nous dit qu’il n’y a pas de check-in avant quinze heures, sur un ton à peine aimable. Nous nous concertons et devant la qualité de notre hôtel et l’amabilité de l’accueil, nous décidons que nous allons visiter Monument Valley (à moins de quarante kilomètres) dans la foulée et continuer jusqu’à Gallup, dans le Nouveau-Mexique. Pour cela, j’ai besoin de trouver un hôtel et de faire le plein. Parqué devant la station d’essence, sans gêner, je regarde la carte et mon iPad pour faire nos plans. Un pick-up s’arrête à ma hauteur et une vieille dame Navajo me dit que je ne peux pas rester là sur sur un ton particulièrement désagréable. Bien sûr, je choisis une autre station où là encore je me fais ramasser : je suis rentré dans la station sans masque ! Il faut dire que les Navajos ont un système immunitaire tellement déficient à force de consanguinité qu’ils sont extrêmement sensibles au Covid et que le masque est obligatoire sur tout le territoire Navajo.


Nous ne voulions pas fuir sans aller voir Monument Valley : c’est très beau, cela se regarde de loin et il n’y a en fait rien à visiter.



Je pense que vous avez compris que je ne trouve pas les Navajos très aimables. Mais d’abord, de quoi parle-t-on quand on parle des Navajos ? Depuis 1989, on parle de Nation Navajo, qui a son sceau, ses propres lois, une certaine souveraineté par rapport aux États-Unis et une capitale qui s’appelle Window Rock et qui se trouve au sud-est de l’Arizona, à quelques miles du Nouveau-Mexique.


La population actuelle du territoire de la Nation Navajo est de cent soixante-treize mille personnes et on estime que l’ensemble de l’ethnie Navajo aux Etats-Unis représente trois cent trente mille personnes. Le territoire a une superficie de soixante et onze mille kilomètres carrés, soit 1.73 x la Suisse. Le territoire couvre le nord-est de l’Arizona, le nord-ouest du Nouveau-Mexique et le sud-est de l’Utah.


Qui sont ces Navajos et comment se sont-ils retrouvés sur ce territoire ?


Les archéologues et les historiens estiment que les Navajos, originaires d’Alaska et faisant partie du groupe des Athabaskans, se sont établis dans le sud-ouest de ce qui allait devenir les États-Unis vers le XVe siècle. Ils y rencontrèrent les peuples Pueblo qui leur transmirent leurs traditions : de cueilleurs/chasseurs, ils devinrent cultivateurs et éleveurs. Ils adoptèrent les moutons et les chèvres des Espagnoles et leur diète devint de plus en plus carnivore, à côté du maïs, des haricots et des courges.


Les Navajos furent confrontés pour la première fois à l’armée américaine en 1846 quand le Général Kearny envahit Santa Fe dans le cadre de la guerre américano-mexicaine. À la suite de cette première rencontre, un traité fut signé, traité qui ne fut respecté ni par les habitants du Nouveau-Mexique ni par les Navajos et il en fut ainsi pendant une vingtaine d’années. En 1861, le Général Carleton, Commandant du District du Nouveau-Mexique, ordonna des actions aussi bien contre les Apaches et les Comanches que contre les Navajos. En 1863, Carleton ordonna à ses troupes de ravager les territoires Navajos, tuant la population, détruisant les cultures, capturant le bétail et empoisonnant les puits. De 1863 à 1864, un nombre croissant de Navajos se rendirent à Fort Defiance (AZ), se mettre sous la tutelle de l’armée américaine.


En 1864, l’armée américaine obligea neuf mille Navajos, hommes, femmes et enfants, à marcher sur plus de cinq cents kilomètres jusqu’à Fort Sumner au Nouveau-Mexique pour y être internés. L’armée ne fournit jamais le nécessaire à la survie des Navajos, décimant ainsi une population déjà affaiblie.




En 1868 fut signé le Traité de Bosque Redondo (aussi connu comme le Traité de Sumner) attribuant aux survivants une nouvelle réserve d’environ quatorze mille kilomètres carrés surface qui, au cours des ans et des traités, s’est étendue à la superficie actuelle de soixante et onze mille kilomètres carrés.


De nos jours, la Nation navajo est organisée sur le même principe que les États-Unis, à savoir un Président et un Vice-Président élus par les membres de la Nation pour un mandat de quatre ans, le pouvoir législatif est dans les mains de quatre-vingt-huit membres, élus pour quatre ans par les électeurs inscrits sur les registres des cent dix chapitres et forme le Navajo National Council. Quant au pouvoir judiciaire, il est dirigé par le Chief justice of the Navajo Nation, nommé par le Président et confirmé par le Navajo National Council. Cette organisation a été mise en place en 1989.



J’ai toujours le sentiment que les Navajos nous, par « nous » j’entends les hommes blancs, sommes toujours responsables des atrocités subies par leurs ancêtres et que, par conséquent, ils ont droit à réparation. Et ils ont le droit d’être désagéables…


Avançons !


Nous quittons Kayenta pour Gallup par des routes de seconde importance et, pendant plus de soixante-dix kilomètres, j’ai eu un mauvais sentiment : un pick-up blanc m’a suivi, restant à la même distance, calquant sa vitesse sur la mienne. Il a fini par s’éloigner quand j’ai dû m’arrêter pour téléphoner. Il faut dire que mon « amour » des Navajos a certainement contribué à envenimer la situation…


Nous sommes finalement arrivés à Gallup, où nous avons même trouvé à dîner dans un restaurant fréquenté par une population typique !



Finalement, nous fûmes contents de rejoindre notre Hilton Garden Inn !


337 km – 3h30


Samedi 15 octobre 2022


Ce fut une journée sans encombre, où tout se passa comme prévu, sinon mieux. La route était courte, ce qui, une fois de plus, nous permit de passer par des routes secondaires, cette fois ce fut La Route 14 dite « Turquoise Trail » qui va grosso modo d’Albuquerque à Santa Fe. Cette route s’appelle ainsi à la suite d’un concours organisé en 1953 par la Chambre de commerce d’Albuquerque pour nommer cette route touristique, ce fut une artiste et éducatrice d’Albuquerque, Rita Simmons, qui remporta le concours et la route fut nommée « Turquoise Trail ». Mrs Simmons reçut également une série de valises. Il paraît d’ailleurs qu’on trouve le long de cette route, de temps à autre, des turquoises !


La route est effectivement très belle, parcourant collines et vallons à la végétation clairsemée. Mais le point d’orgue fut notre découverte de Madrid (NM) ! On sait que Santa Fe est un refuge pour les babas cool et autres soixante-huitards, ainsi que pour les artistes et gens fortunés de tous les coins d’Amérique. Mais Madrid, c’est encore une autre histoire : du vrai concentré de baba cools !


Madrid fut fondée (pas officiellement, car la ville ne fut jamais « incorporated ») en 1895 comme ville minière : l’extraction du charbon alimentait le New Mexico & Southern Pacific Railroad. Dans les années 1940, le charbon fut remplacé pour la traction progressivement par le gaz et le diesel-électrique, si bien qu’en 1954, l’extraction du charbon cessa. La population est de deux cents personnes environ.











De là, nous avons continué vers Santa Fe, loin d’une cinquantaine de kilomètres.


PN/15.10.2022


PS : mon plus long post...

 
 
 

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